Ici ou là, les hommes défendent leurs buts particuliers contre le
droit général ; ils agissent librement. Mais ce qui constitue le
fondement général, l'élément substantiel, le droit n'en est pas troublé.
Il en va de même pour l'ordre du monde. Ses éléments sont d'une part
les passions, de l'autre la Raison. Les passions constituent l'élément
actif. Elles ne sont pas toujours opposées à l'ordre éthique ; bien au
contraire, elles réalisent l'Universel. En ce qui concerne la morale des
passions, il est évident qu'elles n'aspirent qu'à leur propre intérêt.
De ce côté-ci, elles apparaissent comme égoïstes et mauvaises. Or ce qui
est actif est toujours individuel : dans l'action je suis moi-même,
c'est mon propre but que je cherche à accomplir. Mais ce but peut être
bon, et même universel. L'intérêt peut être tout à fait particulier mais
il ne s'ensuit pas qu'il soit opposé à l'Universel. L'Universel doit se
réaliser par le particulier. Nous disons donc que rien ne s'est fait
sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui y ont collaboré. Cet
intérêt, nous l'appelons passion lorsque refoulant tous les autres
intérêts ou buts, l'individualité tout entière se projette sur un
objectif avec toutes les fibres intérieures de son vouloir et concentre
dans ce but ses forces et tous ses besoins. En ce sens, nous devons dire
que rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion.
La Raison dans l'Histoire.
No comments:
Post a Comment