HERMOGÈNE.
Pour moi, Socrate, après en avoir souvent raisonné avec Cratyle et avec
beaucoup d'autres, je ne saurais me persuader [384d] que la propriété du nom réside ailleurs que dans la convention et le consentement des hommes. Je pense que le
vrai nom d'un objet est celui qu'on lui impose; que si à ce nom on en substitue
un autre, ce dernier n'est pas moins propre que n'était le précédent : de même
que si nous venons à changer les noms de nos esclaves, les nouveaux qu'il nous
plaît de leur donner ne valent pas moins que les anciens. Je pense qu'il n'y a
pas de nom qui soit naturellement propre à une chose plutôt qu'à une autre, et
que c'est la loi et l'usage qui les ont tous établis et consacrés. S'il en est
autrement, [384e] je suis tout disposé à m'en instruire et à écouter Cratyle,
ou qui que ce soit.
….
SOCRATE.
Il paraît, Hermogène, que l'institution des noms n'est pas une petite
affaire ni l'ouvrage de gens médiocres et du premier venu. Cratyle a donc
raison de dire qu'il y a des noms
naturels [390e] aux choses, et que tout homme ne peut pas être un artisan
de noms, mais celui-là seul qui considère le
nom propre à chaque chose, et qui sait en réaliser l'idée dans les lettres
et les syllabes
Platon. Cratyle ( 390d)
Platon. Cratyle ( 390d)