Certes même si sur certains points, le style diffère ( attention par exemple à ne pas confondre "le thème" ( général) et la thèse ( ce que dit l'auteur à propos du thème, la thèse est précise et déterminée), cela doit vous rassurer et vous montrer que grosso modo les consignes demeurent les mêmes.
Monday, 14 September 2015
Méthode : Une vidéo qui reprend les points essentiels de l'explication de texte.
Chaque professeur a développé au cours de sa carrière ses exercices méthodiques et essaie de forger sa "vision philosophique du monde" comme vous. Toutefois, malgré ces différences, il nous faut des règles communes. Elles sont rappelées dans cette séquence vidéo ainsi que dans les textes officiels.
Certes même si sur certains points, le style diffère ( attention par exemple à ne pas confondre "le thème" ( général) et la thèse ( ce que dit l'auteur à propos du thème, la thèse est précise et déterminée), cela doit vous rassurer et vous montrer que grosso modo les consignes demeurent les mêmes.
Certes même si sur certains points, le style diffère ( attention par exemple à ne pas confondre "le thème" ( général) et la thèse ( ce que dit l'auteur à propos du thème, la thèse est précise et déterminée), cela doit vous rassurer et vous montrer que grosso modo les consignes demeurent les mêmes.
Kant : Nos connaissances ont-elles l´expérience pour seule origine ?
Nos connaissances ont-elles l´expérience pour
seule origine ?
Que toute notre connaissance commence avec l'expérience, cela ne soulève
aucun doute. En effet, par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être
éveillé et mis en action, si ce n'est par des
objets qui frappent nos sens et qui, d'une part, produisent par eux-mêmes
des représentations et d'autre part, mettent en mouvement notre faculté
intellectuelle, afin qu'elle compare, lie ou sépare ces représentations, et
travaille ainsi la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une
connaissance des objets, celle qu'on nomme l'expérience ? Ainsi,
chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous l'expérience, c'est
avec elle que toutes commencent.
Mais si toute notre connaissance débute avec l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute de l'expérience, car il se pourrait bien que même notre connaissance par expérience fût un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître (simplement excité par des impressions sensibles) produit de lui-même : addition que nous ne distinguons pas de la matière première jusqu'à ce que notre attention y ait été portée par un long exercice qui nous ait appris à l'en séparer. C'est donc au moins une question qui exige encore un examen plus approfondi et que l'on ne saurait résoudre du premier coup d'œil, que celle de savoir s'il y a une connaissance de ce genre, indépendante de l'expérience et même de toutes les impressions des sens. De telles connaissances sont appelées a priori et on les distingue des empiriques qui ont leur source a posteriori, à savoir dans l'expérience. [...]
Si l'on veut un exemple pris dans les sciences, on n'a qu'à parcourir des yeux toutes les propositions de la mathématique ; et si on en veut un tiré de l'usage plus ordinaire de l'entendement, on peut prendre la proposition: tout changement doit avoir une cause. Qui plus est, dans cette dernière, le concept même d'une cause renferme manifestement le concept d'une liaison nécessaire avec un effet et celui de la stricte universalité de la règle, si bien que ce concept de cause serait entièrement perdu, si on devait le dériver, comme le fait Hume, d'une association fréquente de ce qui arrive avec ce qui précède et d'une habitude qui en résulte (d'une nécessité, par conséquent, simplement subjective) de lier des représentations.
On pourrait aussi, sans qu'il fût besoin de pareils exemples pour prouver la réalité des principes purs a priori dans notre connaissance, montrer que ces principes sont indispensables pour que l'expérience même soit possible, et en exposer, par suite, la nécessité a priori. D'où l'expérience, en effet, pourrait-elle tirer sa certitude, si toutes les règles, suivant lesquelles elle procède, n'étaient jamais qu'empiriques, et par là même contingentes ?
Mais si toute notre connaissance débute avec l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute de l'expérience, car il se pourrait bien que même notre connaissance par expérience fût un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître (simplement excité par des impressions sensibles) produit de lui-même : addition que nous ne distinguons pas de la matière première jusqu'à ce que notre attention y ait été portée par un long exercice qui nous ait appris à l'en séparer. C'est donc au moins une question qui exige encore un examen plus approfondi et que l'on ne saurait résoudre du premier coup d'œil, que celle de savoir s'il y a une connaissance de ce genre, indépendante de l'expérience et même de toutes les impressions des sens. De telles connaissances sont appelées a priori et on les distingue des empiriques qui ont leur source a posteriori, à savoir dans l'expérience. [...]
Si l'on veut un exemple pris dans les sciences, on n'a qu'à parcourir des yeux toutes les propositions de la mathématique ; et si on en veut un tiré de l'usage plus ordinaire de l'entendement, on peut prendre la proposition: tout changement doit avoir une cause. Qui plus est, dans cette dernière, le concept même d'une cause renferme manifestement le concept d'une liaison nécessaire avec un effet et celui de la stricte universalité de la règle, si bien que ce concept de cause serait entièrement perdu, si on devait le dériver, comme le fait Hume, d'une association fréquente de ce qui arrive avec ce qui précède et d'une habitude qui en résulte (d'une nécessité, par conséquent, simplement subjective) de lier des représentations.
On pourrait aussi, sans qu'il fût besoin de pareils exemples pour prouver la réalité des principes purs a priori dans notre connaissance, montrer que ces principes sont indispensables pour que l'expérience même soit possible, et en exposer, par suite, la nécessité a priori. D'où l'expérience, en effet, pourrait-elle tirer sa certitude, si toutes les règles, suivant lesquelles elle procède, n'étaient jamais qu'empiriques, et par là même contingentes ?
KANT
Critique de la Raison Pure, Introduction (seconde édition)
Critique de la Raison Pure, Introduction (seconde édition)
Locke : nos idées viennent de nos sens.
Nos idées nous viennent de nos
sens
" Et premièrement nos
sens étant frappés par certains objets extérieurs, font entrer dans notre âme
plusieurs perceptions distinctes des choses, selon les diverses manières dont
ces objets agissent sur nos sens. C'est ainsi que nous acquérons les idées que
nous avons du blanc, du jaune, du chaud, du froid, du dur, du mou, du doux, de
l'amer, et de tout ce que nous appelons qualités sensibles. Nos sens, dis-je,
font entrer toutes ces idées dans notre âme, par où j'entends qu'ils font
passer des objets extérieurs dans l'âme ce qui y produit ces sortes de
perceptions. Et comme cette grande source de la plupart des idées que nous
avons, dépend entièrement de nos sens, et se communique par leur moyen à
l'entendement, je l'appelle sensation.
L'autre source d'où l'entendement vient à recevoir des idées, c'est la perception des opérations de notre âme sur les idées qu'elle a reçues par les sens : opérations qui devenant l'objet des réflexions de l'âme, produisent dans l'entendement une autre espèce d'idées, que les objets extérieurs n'auraient pu lui fournir : telles que sont les idées de ce qu'on appelle apercevoir, penser, douter, croire, raisonner, connaître, vouloir, et toutes les différentes actions de notre âme, de l'existence desquelles étant pleinement convaincus, parce que nous les trouvons en nous-mêmes, nous recevons par leur moyen des idées aussi distinctes, que celles que les corps produisent en nous, lorsqu'ils viennent à frapper nos sens. C'est là une source d'idées que chaque homme a toujours en lui-même ; et bien que cette faculté ne soit pas un sens, car elle n'a rien à faire avec les objets extérieurs, elle en approche beaucoup, et le nom de sens intérieur ne lui conviendrait assez bien. Mais comme j'appelle l'autre source de nos idées sensation, je nommerai celle-ci réflexion, parce que l'âme ne reçoit par son moyen que les idées qu'elle acquiert en réfléchissant sur ses propres opérations. "
L'autre source d'où l'entendement vient à recevoir des idées, c'est la perception des opérations de notre âme sur les idées qu'elle a reçues par les sens : opérations qui devenant l'objet des réflexions de l'âme, produisent dans l'entendement une autre espèce d'idées, que les objets extérieurs n'auraient pu lui fournir : telles que sont les idées de ce qu'on appelle apercevoir, penser, douter, croire, raisonner, connaître, vouloir, et toutes les différentes actions de notre âme, de l'existence desquelles étant pleinement convaincus, parce que nous les trouvons en nous-mêmes, nous recevons par leur moyen des idées aussi distinctes, que celles que les corps produisent en nous, lorsqu'ils viennent à frapper nos sens. C'est là une source d'idées que chaque homme a toujours en lui-même ; et bien que cette faculté ne soit pas un sens, car elle n'a rien à faire avec les objets extérieurs, elle en approche beaucoup, et le nom de sens intérieur ne lui conviendrait assez bien. Mais comme j'appelle l'autre source de nos idées sensation, je nommerai celle-ci réflexion, parce que l'âme ne reçoit par son moyen que les idées qu'elle acquiert en réfléchissant sur ses propres opérations. "
Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain
Monday, 25 May 2015
Sartre, Morale et esthétique
La Morale et esthétique
Situation
Sartre évoque la théorie de l’acte gratuit de Gide.
Dans les caves du Vatican, ouvrage fameux de Gide, vous avez un personnage Lafcadio, qui décide sans raison de tuer un vieux Monsieur en le jetant hors d’un train, sans motivation explicite, sans haine, sans pitié.
C’est un acte gratuit qui prouve son libre arbitre, puisqu’il choisit de faire quelque chose d’absurde, de tuer un vieux monsieur sans raison.
La réponse de Sartre, c’est que cette théorie n’est pas du tout sa théorie de la liberté.
( On remarquera qu'André Breton fait référence à ce type d'action libre lorsqu'il déclare que l'acte surréaliste par excellence serait de tirer un coup de pistolet dans la foule).
Pour Gide, la liberté pure peut donc me conduire à faire quelque chose d’absurde.
Pour Sartre, c’est l’inverse, la liberté donne un sens à mon existence.
Pourquoi ?
Ce n’est pas en effet parce que je suis libre que je peux faire n’importe quoi ! Bien au contraire.
( Je vous renvoie à la page 70 de l'ouvrage, Sartre y déclare qu'être libre ce n'est pas vouloir simplement 'sa" liberté, mais aussi vouloir celle des "autres", ce qui n'est évidemment pas le cas de Lafcadio, du surréaliste ou de ceux qui confondent égoisme et libre-arbitre ).
En agissant , même si je suis seul au moment du choix, j’engage toute l’humanité.
Ce qui signifie que mon acte libre a des répercussions sur tous les êtres libres ( qui peuvent à leur tour choisir de m’imiter ou non ). Donc l’acte libre n’est pas un caprice. Le caprice c’est l’acte de l’enfant qui ne pense pas aux conséquences de son geste ou de sa décision. Au contraire pour Sartre l homme libre est "responsable", il porte le poids de la conséquence de ses actes.
Explication :
Dans ce texte Sartre explique le rapport qui existe entre l'art et la morale.
Cette notion est importante car il s'adresse aux intellectuels, aux artistes et aux hommes de lettres. Certains d'entre eux ont lu "La nausée", mais ne saisissent pas très bien l'existentialisme comme "philosophie".
D'autre part on pourrait percevoir l'existentialisme comme un mouvement purement littéraire, comme un projet qui concerne exclusivement les "belles-lettres". Sartre insistera donc sur ces deux points que vous devez bien identifier et souligner dans votre explication:
1) La morale de Sartre n’est pas une morale esthétique.
Expliquons les termes tout d'abord :
La morale c’est la science du bien.
L’esthétique c’est la science du beau.
Refuser une "morale esthétique" qu’est ce que cela signifie ?
Il ne faut pas confondre le beau et le bien. Comme Malraux par exemple qui trouve que l’action héroïque est « belle » ou « grande ».
Pour Sartre ce qui importe ce n’est pas la beauté de l’acte , mais son coefficient de liberté.
Il ne s’agit pas de vivre comme un esthète ( car l’esthète qui transforme a vie en œuvre d’art pourrait transformer sa cellule en œuvre d’art, ou voir dans le spectacle de la pauvreté une œuvre d’art ).
Il s’agit plutôt de vivre comme un homme libre, adopter non pas une morale esthétique mais une morale existentialiste.
2) Toutefois, on peut comparer l’action bonne et de l’œuvre d’art.
Pour expliquer cela , Sartre prend l’exemple de l’artiste.
Pourquoi ? Quel rapport existe-t-il entre l’artiste et l’homme moral ?
Les deux hommes sont confrontés à l’idée de la liberté.:« Personne ne peut dire ce que sera la peinture de demain ».
Personne ne peut vous dire également ce qu’il faut faire.
CAD que Pour Sartre, on ne devient pas un artiste en appliquant des règles.
On devient un artiste en inventant et en créant, en produisant ses propres règles.
De la même manière on n’est pas un homme moral en suivant une morale a priori, déjà existante, mais en créant ses propres lois.
Sartre reprend ici l’idée de Kant qui oppose l’hétéronomie, le fait de se conformer à un modèle déjà existant, et l’autonomie, le fait d’inventer ses propres lois.
Afin d'illustrer cette comparaison , Sartre choisit deux exemples figurant la liberté de l'artiste et la liberté de choix de l'homme moral. Vous insisterez dans votre explication sur l'aspect pédagogique de cette conférence ( Sartre évite volontairement les formules abstraites de l’Être et le Néant , il limite le vocabulaire technique à l'essentiel ).
3) Exemples de Picasso et de l’élève
a) Picasso est justement le parangon de l'homme libre.
En effet dans les périodes qui précèdent 1904 , en gros la période bleue et la période rose. Picasso est encore sous l’influence du Greco et des maîtres de l;a peinture espagnole dans de nombreux tableaux.
Il a en quelque sorte un modèle a priori " dans la tête " et son idéal c est de coller à cette idée a priori.
Or après 1904, Picasso invente les règles du cubisme :
Avec G Braque, il invente une forme nouvelle de représentation du réel où celui-ci est peint sous forme de multitude de petits carrés ou figures angulaires , capables d'évoquer des objets tout en les déformant.
« Il n’y a pas de valeurs esthétiques a priori » .
Quand Picasso crée les demoiselles d’Avignon en 1907, il invente la peinture, il ne reproduit pas un schème préexistant.
b) l’élève
De même il n’y a pas de valeur morale a priori. quand l’élève de Sartre choisit de s’engager dans l a résistance ou de rester auprès de sa mère , il invente un monde moral qui n’est pas donné d’avance, mais il crée la possibilité même de la morale.
Lorsque l’élève choisit sa mère ou la résistance, il n’est pas sujet à un caprice, il n’agit pas de manière irréfléchie et saugrenue.
Son choix témoignera d’un engagement responsable et assumé.
Dans ce sens une action morale est bien une œuvre comme quand l’on parle de l’œuvre d un artiste. D ailleurs en français on parle des « bonnes œuvres » ce qui signifie que la morale nous permet de créer et d’inventer des produits permettant de secourir autrui ou d’alléger les souffrances de l’humanité.
En morale comme en art , tout est affaire d'invention et de création.
Conclusion :
Toutefois se pose alors un problème : Si chacun invente sa loi, n’y a-t-il pas un risque d’aboutir à des morales divergentes ?
S’il y a une morale du pacifiste et une morale du belliciste, devons nous les accepter toutes les deux sous le prétexte qu elles ont été inventées ou revendiquées par quelqu’un ?
Le fait de vouloir et de s'engager dans un projet suffit-il à consacrer sa moralité ?
Si j’invente toutes les règles, alors est-ce que je ne tombe pas dans le relativisme moral ? Par exemple pourquoi n’y aurait –il pas une morale de l’existentialiste et une morale de la mauvaise foi ?
Il faudra cependant rappeler que Sartre insiste toujours sur l'idée de responsabilité.
Cette idée rétrécit le champ du possible: il s'agit non pas d'agir sans réfléchir, mais a contrario de poser de la manière la plus grave et la plus responsable la question de la liberté.
Car nous serons jugés par les autres qui eux aussi sont libres.
Il y a donc bien chez Sartre un tribunal, comme chez Kant.
Kant a inventé le tribunal de la raison où celle-ci se juge elle-même.
Chez Sartre, il existe un tribunal de la liberté : nous ne sommes pas dans le caprice de Gide mais dans la responsabilité, toujours jugée et évaluée par les autres libertés.
Situation
Sartre évoque la théorie de l’acte gratuit de Gide.
Dans les caves du Vatican, ouvrage fameux de Gide, vous avez un personnage Lafcadio, qui décide sans raison de tuer un vieux Monsieur en le jetant hors d’un train, sans motivation explicite, sans haine, sans pitié.
C’est un acte gratuit qui prouve son libre arbitre, puisqu’il choisit de faire quelque chose d’absurde, de tuer un vieux monsieur sans raison.
La réponse de Sartre, c’est que cette théorie n’est pas du tout sa théorie de la liberté.
( On remarquera qu'André Breton fait référence à ce type d'action libre lorsqu'il déclare que l'acte surréaliste par excellence serait de tirer un coup de pistolet dans la foule).
Pour Gide, la liberté pure peut donc me conduire à faire quelque chose d’absurde.
Pour Sartre, c’est l’inverse, la liberté donne un sens à mon existence.
Pourquoi ?
Ce n’est pas en effet parce que je suis libre que je peux faire n’importe quoi ! Bien au contraire.
( Je vous renvoie à la page 70 de l'ouvrage, Sartre y déclare qu'être libre ce n'est pas vouloir simplement 'sa" liberté, mais aussi vouloir celle des "autres", ce qui n'est évidemment pas le cas de Lafcadio, du surréaliste ou de ceux qui confondent égoisme et libre-arbitre ).
En agissant , même si je suis seul au moment du choix, j’engage toute l’humanité.
Ce qui signifie que mon acte libre a des répercussions sur tous les êtres libres ( qui peuvent à leur tour choisir de m’imiter ou non ). Donc l’acte libre n’est pas un caprice. Le caprice c’est l’acte de l’enfant qui ne pense pas aux conséquences de son geste ou de sa décision. Au contraire pour Sartre l homme libre est "responsable", il porte le poids de la conséquence de ses actes.
Explication :
Dans ce texte Sartre explique le rapport qui existe entre l'art et la morale.
Cette notion est importante car il s'adresse aux intellectuels, aux artistes et aux hommes de lettres. Certains d'entre eux ont lu "La nausée", mais ne saisissent pas très bien l'existentialisme comme "philosophie".
D'autre part on pourrait percevoir l'existentialisme comme un mouvement purement littéraire, comme un projet qui concerne exclusivement les "belles-lettres". Sartre insistera donc sur ces deux points que vous devez bien identifier et souligner dans votre explication:
1) La morale de Sartre n’est pas une morale esthétique.
Expliquons les termes tout d'abord :
La morale c’est la science du bien.
L’esthétique c’est la science du beau.
Refuser une "morale esthétique" qu’est ce que cela signifie ?
Il ne faut pas confondre le beau et le bien. Comme Malraux par exemple qui trouve que l’action héroïque est « belle » ou « grande ».
Pour Sartre ce qui importe ce n’est pas la beauté de l’acte , mais son coefficient de liberté.
Il ne s’agit pas de vivre comme un esthète ( car l’esthète qui transforme a vie en œuvre d’art pourrait transformer sa cellule en œuvre d’art, ou voir dans le spectacle de la pauvreté une œuvre d’art ).
Il s’agit plutôt de vivre comme un homme libre, adopter non pas une morale esthétique mais une morale existentialiste.
2) Toutefois, on peut comparer l’action bonne et de l’œuvre d’art.
Pour expliquer cela , Sartre prend l’exemple de l’artiste.
Pourquoi ? Quel rapport existe-t-il entre l’artiste et l’homme moral ?
Les deux hommes sont confrontés à l’idée de la liberté.:« Personne ne peut dire ce que sera la peinture de demain ».
Personne ne peut vous dire également ce qu’il faut faire.
CAD que Pour Sartre, on ne devient pas un artiste en appliquant des règles.
On devient un artiste en inventant et en créant, en produisant ses propres règles.
De la même manière on n’est pas un homme moral en suivant une morale a priori, déjà existante, mais en créant ses propres lois.
Sartre reprend ici l’idée de Kant qui oppose l’hétéronomie, le fait de se conformer à un modèle déjà existant, et l’autonomie, le fait d’inventer ses propres lois.
Afin d'illustrer cette comparaison , Sartre choisit deux exemples figurant la liberté de l'artiste et la liberté de choix de l'homme moral. Vous insisterez dans votre explication sur l'aspect pédagogique de cette conférence ( Sartre évite volontairement les formules abstraites de l’Être et le Néant , il limite le vocabulaire technique à l'essentiel ).
3) Exemples de Picasso et de l’élève
a) Picasso est justement le parangon de l'homme libre.
En effet dans les périodes qui précèdent 1904 , en gros la période bleue et la période rose. Picasso est encore sous l’influence du Greco et des maîtres de l;a peinture espagnole dans de nombreux tableaux.
Il a en quelque sorte un modèle a priori " dans la tête " et son idéal c est de coller à cette idée a priori.
Or après 1904, Picasso invente les règles du cubisme :
Avec G Braque, il invente une forme nouvelle de représentation du réel où celui-ci est peint sous forme de multitude de petits carrés ou figures angulaires , capables d'évoquer des objets tout en les déformant.
![]() |
Picasso Les demoiselles d'Avignon |
« Il n’y a pas de valeurs esthétiques a priori » .
Quand Picasso crée les demoiselles d’Avignon en 1907, il invente la peinture, il ne reproduit pas un schème préexistant.
b) l’élève
De même il n’y a pas de valeur morale a priori. quand l’élève de Sartre choisit de s’engager dans l a résistance ou de rester auprès de sa mère , il invente un monde moral qui n’est pas donné d’avance, mais il crée la possibilité même de la morale.
Lorsque l’élève choisit sa mère ou la résistance, il n’est pas sujet à un caprice, il n’agit pas de manière irréfléchie et saugrenue.
Son choix témoignera d’un engagement responsable et assumé.
Dans ce sens une action morale est bien une œuvre comme quand l’on parle de l’œuvre d un artiste. D ailleurs en français on parle des « bonnes œuvres » ce qui signifie que la morale nous permet de créer et d’inventer des produits permettant de secourir autrui ou d’alléger les souffrances de l’humanité.
En morale comme en art , tout est affaire d'invention et de création.
Conclusion :
Toutefois se pose alors un problème : Si chacun invente sa loi, n’y a-t-il pas un risque d’aboutir à des morales divergentes ?
S’il y a une morale du pacifiste et une morale du belliciste, devons nous les accepter toutes les deux sous le prétexte qu elles ont été inventées ou revendiquées par quelqu’un ?
Le fait de vouloir et de s'engager dans un projet suffit-il à consacrer sa moralité ?
Si j’invente toutes les règles, alors est-ce que je ne tombe pas dans le relativisme moral ? Par exemple pourquoi n’y aurait –il pas une morale de l’existentialiste et une morale de la mauvaise foi ?
Il faudra cependant rappeler que Sartre insiste toujours sur l'idée de responsabilité.
Cette idée rétrécit le champ du possible: il s'agit non pas d'agir sans réfléchir, mais a contrario de poser de la manière la plus grave et la plus responsable la question de la liberté.
Car nous serons jugés par les autres qui eux aussi sont libres.
Il y a donc bien chez Sartre un tribunal, comme chez Kant.
Kant a inventé le tribunal de la raison où celle-ci se juge elle-même.
Chez Sartre, il existe un tribunal de la liberté : nous ne sommes pas dans le caprice de Gide mais dans la responsabilité, toujours jugée et évaluée par les autres libertés.
Friday, 8 May 2015
Adam Smith. l’échange même égoïste conduit à l’intérêt général : la main invisible
« En dirigeant (l’industrie nationale) de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, chaque individu ne pense qu’à son propre gain ; en cela comme dans beaucoup d’autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions. (…) Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent de manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société que s’il avait réellement pour but d’y travailler… »
"Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du boulanger ni du brasseur que nous attendons notre dîner, mais de leur considération pour leur propre intérêt. "
Adam Smith, La richesse des Nations, 1776
Marcel Mauss, le don peut avoir la forme d'un échange: le potlatch
Mais, dans ces deux dernières tribus du nord-ouest américain et dans
toute cette région apparaît une forme typique certes, mais évoluée et
relativement rare, de ces prestations totales. Nous avons proposé de
l’appeler potlatch, comme font d’ailleurs les auteurs américains se
servant du nom chinook devenu partie du langage courant des Blancs et
des Indiens de Vancouver à l’Alaska. « Potlatch » veut dire
essentiellement « nourrir », « consommer ». Ces tribus, fort riches, qui
vivent dans les îles ou sur la côte ou entre les Rocheuses et la côte,
passent leur hiver dans une perpétuelle fête : banquets, foires et
marchés, qui sont en même temps l’assemblée solennelle de la tribu.
Celle-ci y est rangée suivant ses confréries hiérarchiques, ses sociétés
secrètes, souvent confondues avec les premières et avec les clans ; et
tout, clans, mariages, initiations, séances de shamanisme et du culte
des grands dieux, des totems ou des ancêtres collectifs ou individuels
du clan, tout se mêle en un inextricable lacis de rites, de prestations
juridiques et économiques, de fixations de rangs politiques dans la
société des hommes, dans la tribu et dans les confédérations de tribus
et même internationalement. Mais ce qui est remarquable dans ces tribus,
c’est le principe de la rivalité et de l’antagonisme qui domine toutes
ces pratiques. On y va jusqu’à la bataille, jusqu’à la mise à mort des
chefs et nobles qui s’affrontent ainsi. On y va d’autre part jusqu’à la
destruction purement somptuaire des richesses accumulées pour éclipser
le chef rival en même temps qu’associé (d’ordinaire grand-père,
beau-père ou gendre). Il y a prestation totale en ce sens que c’est bien
tout le clan qui contracte pour tous, pour tout ce qu’il possède et
pour tout ce qu’il fait, par l’intermédiaire de son chef. Mais cette
prestation revêt de la part du chef une allure agonistique très marquée.
Marcel Mauss, Essai sur le don, © PUF, coll. « Quadrige », 10e éd., 2001, p. 269-270.
Marcel Mauss, Essai sur le don, © PUF, coll. « Quadrige », 10e éd., 2001, p. 269-270.
Kant : la morale ne nous rend pas heureux mais digne du bonheur.
"La morale n'est donc pas à proprement parler la doctrine qui nous enseigne comment nous devons nous rendre heureux, mais comment nous devons nous rendre dignes du bonheur. C'est seulement lorsque la religion s'y ajoute, qu'entre en nous l'espérance de participer un jour au bonheur dans la mesure où nous avons essayé de n'en être pas indignes. Quelqu'un est digne de posséder une chose ou un état, quand le fait qu'il la possède est en harmonie avec le souverain bien. On peut maintenant voir facilement que tout ce qui nous donne la dignité dépend de la conduite morale, parce que celle-ci constitue dans le concept du souverain bien la condition du reste ce qui appartient à l'état de la personne), à savoir la condition de la participation au bonheur. Il suit donc de là qu'on ne doit jamais traiter la morale en soi comme une doctrine du bonheur, c'est-à-dire comme une doctrine qui nous apprendrait comment devenir heureux, car elle n'a exclusivement affaire qu'à la condition rationnelle (conditio sine qua non) du bonheur et non à un moyen de l'obtenir. Mais quand elle a été exposée complètement (elle qui impose simplement des devoirs et ne donne pas de règles à des désirs intéressés), quand s'est éveillé le désir moral, qui se fonde sur une loi, de travailler au souverain bien (de nous procurer le royaume de Dieu), désir qui n'a pu auparavant naître dans une âme intéressée, quand, pour venir en aide à ce désir, le premier pas vers la religion a été fait, alors seulement cette doctrine morale peut être appelée aussi doctrine du bonheur, parce que l'espoir d'obtenir ce bonheur ne commence qu'avec la religion".
Emmanuel Kant, Critique de ia raison pratique (1788), trad. F. Picavet, Éd. PUF, coll. Quadrige, 5'éd, 1997, p. 139.
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