"Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune (1), et à changer mes désirs que l'ordre du monde et généralement, de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées, en sorte qu'après que nous avons fait notre mieux, touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous, absolument impossible. Et ceci seul me semblait être suffisant pour m'empêcher de rien désirer à l'avenir que je n'acquisse, et ainsi pour me rendre content(2). Car notre volonté ne se portant naturellement à désirer (= la volonté désire) que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon comme possibles, il est certain que, si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés de notre pouvoir, nous n'aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui semblent être dus à notre naissance, lorsque nous en serons privés sans notre faute, que nous avons de ne posséder pas les royaumes de la Chine ou de Mexique; et que faisant, comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons pas davantage d'être sains, étant malades, ou d'être libres, étant en prison, que nous faisons maintenant d'avoir des corps d'une matière aussi peu corruptible que les diamants, ou des ailes pour voler comme les oiseaux. Mais j'avoue qu'il est besoin d'un long exercice, et d'une méditation souvent réitérée, pour s'accoutumer à regarder de ce biais toutes les choses..."
Descartes, Discours de la méthode, troisième partie
(1) Les hasards de la vie
(2) Heureux
Descartes, Discours de la méthode, 1637
Question 2 : Descartes nous dit-il de ne pas satisfaire nos désirs ? Que propose-t-il exactement ? Quelle distinction entre les désirs reprend-il ?
Je joins également à ce texte les excellentes remarques de J. Llapasset concernant le vocabulaire de Descartes :
Pour
faciliter votre lecture, voici le sens de
quelques expressions:
tâcher:
à l'origine, s'acquitter d'une taxe, s'attacher à réaliser
comme si c'était une dette, un devoir ("toujours").
fortune: le hasard heureux ou malheureux, ce qui ne dépend pas de moi.
que: plutôt que.
m'accoutumer: prendre l'habitude de.
notre mieux: tout ce qu'il nous était possible de faire: dans ce texte, il ne s'agit pas de se résigner, ce n'est pas dans le tempérament de Descartes. Il s'agit de ne pas essayer d'agir sur ce qui ne dépend pas de nos pensées parce que l'effort est inutile puisque c'est hors de notre pouvoir. (absolument = totalement) Pas question de se battre contre des moulins à vent.
je n'acquisse: C'est la conséquence: il est évident que si je ne veux que ce qui est accessible (ce que je peux acquérir), j'aurai tout ce que je voudrai.
content: il s'agit bien d'une maxime provisoire pour vivre heureux.
naturellement: comprendre que la volonté a pour nature d'être éclairée par l'entendement: elle ne veut donc, si elle est éclairée par l'entendement, que des choses accessibles. Cela vous permet également de comprendre "pas plus".
fortune: le hasard heureux ou malheureux, ce qui ne dépend pas de moi.
que: plutôt que.
m'accoutumer: prendre l'habitude de.
notre mieux: tout ce qu'il nous était possible de faire: dans ce texte, il ne s'agit pas de se résigner, ce n'est pas dans le tempérament de Descartes. Il s'agit de ne pas essayer d'agir sur ce qui ne dépend pas de nos pensées parce que l'effort est inutile puisque c'est hors de notre pouvoir. (absolument = totalement) Pas question de se battre contre des moulins à vent.
je n'acquisse: C'est la conséquence: il est évident que si je ne veux que ce qui est accessible (ce que je peux acquérir), j'aurai tout ce que je voudrai.
content: il s'agit bien d'une maxime provisoire pour vivre heureux.
naturellement: comprendre que la volonté a pour nature d'être éclairée par l'entendement: elle ne veut donc, si elle est éclairée par l'entendement, que des choses accessibles. Cela vous permet également de comprendre "pas plus".
Bien
distinguer:
L'entendement, comme ce qui aperçoit en comprenant, ce qui est pure intellection ou conception. C'est une façon de penser. L'entendement est fini, il a des limites et sortir de ces limites c'est se condamner à l'impuissance: tout pouvoir en effet exige un savoir et sans le savoir, le pouvoir disparaît.
La volonté (ou le désir chez Descartes): elle est illimitée. On peut vouloir/désirer tout ... Mais vouloir ce n'est pas avoir et pour avoir il faut pouvoir. Il faut donc s'interroger sur le désir et sur le pouvoir. La volonté/désir est désir de posséder, la sagesse sera de ne désirer que ce que nous pouvons posséder.
L'entendement, comme ce qui aperçoit en comprenant, ce qui est pure intellection ou conception. C'est une façon de penser. L'entendement est fini, il a des limites et sortir de ces limites c'est se condamner à l'impuissance: tout pouvoir en effet exige un savoir et sans le savoir, le pouvoir disparaît.
La volonté (ou le désir chez Descartes): elle est illimitée. On peut vouloir/désirer tout ... Mais vouloir ce n'est pas avoir et pour avoir il faut pouvoir. Il faut donc s'interroger sur le désir et sur le pouvoir. La volonté/désir est désir de posséder, la sagesse sera de ne désirer que ce que nous pouvons posséder.
( http://www.philagora.net/philo-poche/desir-acces2.php)
No comments:
Post a Comment