Sunday, 4 December 2016

Kant : nous sommes cultivés et civilisés mais nous ne pouvons nous considérer comme moralisés





"Wir sind im hohen Grade durch Kunst und Wissenschaft cultivirt. Wir sind civilisirt bis zum Überlästigen zu allerlei gesellschaftlicher Artigkeit und Anständigkeit. Aber uns schon für moralisirt zu halten, daran fehlt noch sehr viel. Denn die Idee der Moralität gehört noch zur Cultur; der Gebrauch dieser Idee aber, welcher nur auf das Sittenähnliche in der Ehrliebe und der äußeren Anständigkeit hinausläuft, macht blos die Civilisirung aus."

Immanuel Kant

Idee zu einer allgemeinen Geschichte in weltbürgerlicher Absicht


Sunday, 16 October 2016

Platon : il existe deux formes de désirs en nous





«  Il faut par ailleurs réfléchir qu’en chacun de nous il existe deux formes de principes et de motifs d’action que nous suivons où ils peuvent bien nous mener, l’un qui est inné est le désir des plaisirs ; l’autre qui est une façon de voir acquise, aspire au meilleur. Or ces deux tendances sont en nous parfois concordantes, mais il arrive aussi qu’elles soient en lutte, et c’est parfois celle-ci qui domine, mais d’autres fois c’est celle-là. Cela posé, quand c’est une façon de voir qui par la raison, conduit vers le meilleur et qu’elle domine, cette domination s’appelle tempérance, quand c’est le désir qui, déraisonnablement entraine aux plaisirs et gouverne en nous, voilà le gouvernement auquel on a donné le nom de démesure ».

Platon, Phèdre, 237d

Aristophane: Le désir, condition de l'homme, provient du manque et de la séparation.



« Jadis notre nature n'était pas ce qu'elle est actuellement. D'abord il y avait trois espèces d'hommes, et non deux comme aujourd'hui : le mâle, la femelle, et en plus de ces deux-là, une troisième composée des deux autres ; le nom seul en reste aujourd'hui, l'espèce a disparu. C’était l'espèce androgyne qui avait la forme et le nom des deux autres, dont elle était formée. De plus chaque homme était de forme ronde sur une seule tête, quatre oreilles, deux organes de la génération, et tout le reste à l'avenant. [...]
Ils étaient aussi d'une force et d'une vigueur extraordinaire, et comme ils étaient d'un grand courage, ils attaquèrent les dieux et [...] tentèrent d'escalader le ciel [...] Alors Zeus délibéra avec les autres dieux sur le parti à prendre. Le cas était embarrassant ; ils ne pouvaient se décider à tuer les hommes et à détruire la race humaine à coups de tonnerre, comme ils avaient tué les géants ; car c'était mettre fin aux hommages et au culte que les hommes leur rendaient ; d'un autre côté, ils ne pouvaient plus tolérer leur impudence.
Enfin, Zeus ayant trouvé, non sans difficulté, une solution, [...] il coupa les hommes en deux. Or, quand le corps eut été ainsi divisé, chacun, regrettant sa moitié, allait à elle ; et s'embrassant et s'enlaçant les uns les autres avec le désir de se fondre ensemble [...]
C'est de ce moment que date l'amour inné des êtres humains les uns pour les autres : l'amour recompose l'ancienne nature, s'efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine. [...] Notre espèce ne saurait être heureuse qu'à une condition, c'est de réaliser son désir amoureux, de rencontrer chacun l'être qui est notre moitié, et de revenir ainsi à notre nature première. »

Tuesday, 13 September 2016

Hume : L'idée du Moi ne correspond à aucune réalité

Il est des philosophes qui imaginent que nous sommes à chaque instant intimement conscients de ce que nous appelons notre MOI, que nous en sentons l’existence et la continuité d’existence, et que nous sommes certains, avec une évidence qui dépasse celle d’une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. La sensation la plus forte, la passion la plus violente disent-ils, loin de nous détourner de cette vue, ne la fixent que plus intensément et nous font considérer, par la douleur  ou le plaisir qui les accompagne, l’influence qu’elles exercent sur le moi. Tenter d’en trouver une preuve supplémentaire serait en atténuer l’évidence, puisqu’on ne peut tirer aucune preuve d’un fait dont nous sommes si intimement conscients, et que nous ne pouvons être sûrs de rien si nous en doutons.
Malheureusement toutes ces affirmations positives sont contraires à cette expérience même que l’on invoque en leur faveur et nous n’avons aucune idée du moi de la manière qu’on vient de l’expliquer. De quelle impression, en effet, cette idée pourrait provenir ? Il est impossible de répondre à cette question sans une contradiction et une absurdité manifestes et pourtant, c’est une question qui doit trouver une réponse si nous voulons que l’idée du moi passe pour claire et intelligible. Toute idée réelle doit provenir d’une impression particulière. Mais le moi ou la personne, ce n’est pas une impression particulière, mais ce à quoi nos diverses idées et impressions sont censées se rapporter. Si une impression donne naissance à l’idée du moi, cette impression doit nécessairement demeurer la même invariablement, pendant toute la durée de notre vie, puisque c’est ainsi que le moi est supposé exister. Mais il n’y a pas d’impression constante et invariable. La douleur et le plaisir, le chagrin et la joie, les passions et les sensations se succèdent et n’existent jamais toutes en même temps. Ce ne peut donc pas être d’une de ces impressions, ni de toute autre que provient l’idée du moi, et en conséquence, il n’y a pas une telle idée.
Hume, Traité de la nature humaine, Livre I, L’entendement ( 1739)
IV partie, section VI ( GF p 342-343 )

Thursday, 8 September 2016

Kant : Le "Je Pense" accompagne toutes mes représentations

« Le je pense doit nécessairement pouvoir accompagner toutes mes représentations ; car, si tel n'était pas le cas, quelque chose serait représenté en moi qui ne pourrait aucunement être pensé - ce qui équivaut à dire que la représentation ou bien serait impossible, ou bien ne serait du moins rien pour moi. La représentation qui peut être donnée avant toute pensée s'appelle intuition. Donc tout le divers de l'intuition entretient une relation au « je pense » dans le même sujet où ce divers se rencontre. Mais cette représentation ( je pense ) est un acte de la spontanéité, c'est à dire qu'elle ne peut pas être considérée comme appartenant à la sensibilité. Je l'appelle aperception pure pour la distinguer de l'aperception empirique, ou encore l'aperception originaire, parce qu'elle est cette conscience de soi qui, en produisant la représentation « je pense » laquelle doit pouvoir accompagner toutes les autres et est une et identique dans toute conscience, ne peut être accompagnée d'aucune autre. Je nomme encore l'unité de cette représentation l'unité transcendantale de la conscience de soi, pour désigner la possibilité de la connaissance a priori qui en procède. Car les diverses représentations, qui sont données dans une certaine intuition, ne constitueraient pas toutes ensemble mes représentations, si elles n'appartenaient toutes à une conscience de soi, ce qui veut dire qu'en tant qu'elles sont mes représentations ( bien que je n'en aie pas conscience sous cette forme ) , elles doivent en tout cas, avec nécessité, se conformer à la condition sous laquelle seule elles peuvent se réunir dans une conscience générale de soi, étant donné que, sinon, elles ne m'appartiendraient pas complètement. »

Kant. Critique de la Raison Pure

Wednesday, 7 September 2016

Hegel : L'oeuvre d'art correspond à une extériorisation du sujet


« L’universalité du besoin d’art ne tient pas à autre chose qu’au fait que l’homme est un être pensant et doué de conscience. En tant que doué de conscience, l’homme doit se placer en face de ce qu’il est, de ce qu’il est d’une façon générale, et en faire un objet pour soi. Les choses de la nature se contentent d’être, elles sont simples, ne sont qu’une fois, mais l’homme, en tant que conscience, se dédouble : il est une fois, mais il est pour lui-même. Il chasse devant lui ce qu’il est ; il se contemple, se représente lui-même. Il faut donc chercher le besoin général qui provoque une œuvre d’art dans la pensée de l’homme, puisque l’œuvre d’art est un moyen à l’aide duquel l’homme extériorise ce qu’il est.
Cette conscience de lui-même, l’homme l’acquiert de deux manières : théoriquement, en prenant conscience de ce qu’il est intérieurement, de tous les mouvements de son âme, de toutes les nuances de ses sentiments, en cherchant à se représenter à lui-même, tel qu’il se découvre par la pensée, et à se reconnaître dans cette représentation qu’il offre à ses propres yeux. Mais l’homme est également engagé dans des rapports pratiques avec le monde extérieur, et de ces rapports naît également le besoin de transformer ce monde, comme lui-même, dans la mesure où il en fait partie, en lui imprimant son cachet personnel. Et il le fait, pour encore se reconnaître lui-même dans la forme des choses, pour jouir de lui-même comme d’une réalité extérieure. On saisit déjà cette tendance dans les premières impulsions de l’enfant : il veut voir des choses dont il soit lui-même l’auteur, et s’il lance des pierres dans l’eau, c’est pour voir ces cercles qui se forment et qui sont son œuvre dans laquelle il retrouve comme un reflet de lui-même. Ceci s’observe dans de multiples occasions et sous les formes les plus diverses, jusqu’à cette sorte de reproduction de soi-même qu’est une œuvre d’art. »
Hegel, Introduction à l’Esthétique