La cause finale, le but, le dessein, que poursuivirent les hommes,
eux qui par nature aiment la liberté‚ et l'empire exercé‚ sur autrui,
lorsqu'ils se sont imposé‚ des restrictions au sein desquelles on les
voit vivre dans les Républiques, c'est le souci de pourvoir à leur
propre préservation et de vivre plus heureusement par ce moyen:
autrement dit, de s'arracher à ce misérable état de guerre qui est, je
l'ai montré, la conséquence nécessaire des passions naturelles des
hommes, quand il n'existe pas de pouvoir visible pour les tenir en
respect, et de les lier, par la crainte des châtiments, tant à
l'exécution de leurs conventions qu'à l'observation des lois de nature.
La seule façon d'ériger un tel pouvoir commun, apte à défendre
les gens de l'attaque des étrangers, et des torts qu'ils pourraient se
faire les uns aux autres, et ainsi à les protéger de telle sorte que par
leur industrie et par les productions de la terre, ils puissent se
nourrir et vivre satisfaits, c'est de confier tout leur pouvoir et toute
leur force à un seul homme, ou à une
seule assemblée qui puisse
réduire toutes leurs volontés, par la règle de la majorité‚ en une seule
volonté‚. Cela revient à dire: désigner un homme, ou une assemblé‚ pour
assumer leur personnalité‚ et que chacun s'avoue et se reconnaisse
comme l'auteur de tout ce qu'aura fait ou fait faire, quant aux choses
qui concernent la paix et la sécurité‚ commune, celui qui a ainsi
assumé‚ leur personnalité, que chacun par conséquent soumette sa
volonté‚ et son jugement à la volonté‚ et au jugement de cet homme ou de
cette assemblée. Cela va plus loin que le consensus, ou concorde: il
s'agit d'une unité réelle de tous en une seule et même personne, unité
réalisée par une convention de chacun avec chacun passe de telle sorte
que c'est comme si chacun disait à chacun: j'autorise cet homme ou cette
assemblée, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à
cette condition que tu lui abandonnes ton droit et que tu autorises
toutes ses actions de la même manière. Cela fait, ta multitude ainsi
unie en une seule personne est appelée une REPUBLIQUE, en latin CIVITAS.
Telle est la génération de ce grand LEVIATHAN, ou plutôt pour en parler
avec plus de révérence, de ce dieu mortel, auquel nous devons, sous le
Dieu immortel, notre paix et notre protection.
T. Hobbe, Léviathan, Philosophie politique, Ed. Sirey, 1971.
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