Quand
nous disons que nous sommes « conscients », nous voulons dire deux
choses : d’une part, que nous réagissons d’une certaine manière envers
notre milieu ; d’autre part, qu’il nous semble trouver, en regardant en
nous-mêmes, une certaine qualité dans nos pensées et nos sentiments,
qualité que nous ne trouvons pas dans les objets inanimés.
En
ce qui concerne notre réaction envers le milieu, elle consiste à être
conscient de quelque chose. Si vous criez : « Hé ! », les gens se
retournent, mais pas les pierres. Vous savez que si vous vous retournez
vous-même dans un tel cas, c’est parce que vous avez entendu du bruit.
Tant qu’on pouvait supposer qu’on « percevait » les objets du monde
extérieur, on pouvait dire qu’en les percevant on en était
« conscient ». Maintenant, nous pouvons seulement dire que nous
réagissons à des excitations ; les pierres en font autant, bien que les
excitations auxquelles elles réagissent soient moins nombreuses. Ainsi
en ce qui concerne la « perception » extérieure, la différence entre une
pierre et nous n’est qu’une différence de degré.
La
partie la plus importante de la notion de « conscience » concerne ce
que nous découvrons par introspection. Non seulement nous réagissons
envers les faits extérieurs, mais nous savons que nous réagissons. La
pierre, croyons-nous, ne sait pas qu’elle réagit, mais, si elle le fait,
elle est « consciente ». Ici aussi, l’analyse montre qu’il ne s’agit
que d’une différence de degré […]. Je ne prétends pas que ce qui précède
soit une analyse complète de ce que nous appelons d’une façon vague la
« conscience » : la question est vaste, et exigerait un volume entier.
Je veux seulement indiquer que ce qui paraît à première vue une notion
précise est en réalité tout le contraire, et que la psychologie
scientifique a besoin d’un vocabulaire différent.
Extrait de Science et Religion -
Bertrand Russel - Avertissement à la psychologie scientifique à propos
de la conscience
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