« Sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la
physique, et que commençant à les éprouver en diverses difficultés
particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et
combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à
présent, j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher
grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en
nous,
le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait
voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort
utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on
enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle
connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des
astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent,
aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos
artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages
auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et
possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour
l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait,
sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités
qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la
santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous
les autres biens de cette vie ».
Descartes, Discours de la méthode (1637), 6e partie, Bibliothèque de la Pléiade, Éd. Gallimard, 1966, p. 168.
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