Les philosophes qui se sont mêlés de traiter des sciences se
partageaient en deux classes, savoir: les empiriques et les dogmatiques.
L'empirique, semblable à la fourmi, se contente d'amasser et de
consommer ensuite ses provisions. Le dogmatique, tel que l'araignée,
ourdit des toiles dont la matière est extraite de sa propre substance.
L'abeille garde le milieu; elle tire la matière première des fleurs des
champs et des jardins; puis, par un art qui lui est propre, elle la
travaille et la digère. La vraie philosophie fait quelque chose de
semblable; elle ne se repose pas uniquement ni même principalement sur
les forces naturelles de l'esprit humain, et cette matière qu'elle tire
de l'histoire naturelle, elle ne la jette pas dans la mémoire telle
qu'elle l'a puisée dans ces deux sources, mais après l'avoir aussi
travaillée et digérée, elle la met en magasin. Ainsi notre plus
grande ressource et celle dont nous devons tout espérer, c'est l'étroite
alliance de ces deux facultés: l'expérimentale et la rationnelle....
Francis Bacon
Novum Organum (1620), I, 95
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