Monday 24 November 2014

Aristote : Imiter est utile


» À l’origine de l’art poétique dans son ensemble, il semble bien y avoir deux causes, toutes deux naturelles. Imiter est en effet, dès leur enfance, une tendance naturelle aux hommes – et ils se différencient des autres animaux en ce qu’ils sont des êtres fort enclins à imiter et qu’ils commencent à apprendre à travers l’imitation – comme la tendance commune à tous, de prendre plaisir aux représentations; la preuve en est ce qui se passe dans les faits : nous prenons plaisir à contempler les images les plus exactes de choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, comme les formes d’animaux les plus méprisés et des cadavres. Une autre raison est qu’apprendre est un grand plaisir non seulement pour les philosophes, mais pareillement aussi pour les autres hommes – quoique les points communs entre eux soient peu nombreux à ce sujet. On se plaît en effet à regarder les images car leur contemplation apporte un enseignement et permet de se rendre compte de ce qu’est chaque chose, par exemple que ce portrait-là, c’est un tel; car si l’on se trouve ne pas l’avoir vu auparavant, ce n’est pas en tant que représentation que ce portrait procurera le plaisir, mais en raison du fini dans l’exécution, de la couleur ou d’une autre cause de ce genre. L’imitation, la mélodie et le rythme ( car il est évident que les mètres sont une partie des rythmes ) nous étant naturels, ceux qui à l’origine avaient les meilleures dispositions naturelles en ce domaine, firent peu à peu des progrès, et à partir de leurs improvisations, engendrèrent la poésie. Mais la poésie se divisa suivant le caractère propre à chacun; ceux qui avaient une âme noble imitaient les belles actions et celles de leurs pareils, ceux qui étaient plus vulgaires imitaient les actions des hommes bas, en composant d’abord des blâmes, tout comme les autres composaient des hymnes et des éloges ».

ARISTOTE. Poétique, IV, 1448

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