Thursday, 20 November 2014

Aristote, le temps, nombre du mouvement

§ 1. Nous convenons cependant que le temps ne peut exister sans changement; car nous-mêmes, lorsque nous n'éprouvons aucun changement dans notre pensée, ou que le changement qui s'y passe nous échappe, nous croyons qu'il n'y a point eu de temps d'écoulé. Pas plus qu'il n'y en a pour ces hommes dont on dit fabuleusement qu'ils dorment à Sardos auprès des Héros, et qu'ils n'ont à leur réveil aucun sentiment du temps, parce qu'ils réunissent l'instant qui a précédé à l'instant qui suit, et n'en font qu'un par la suppression de tous les instants intermédiaires, qu'ils n'ont pas perçus. Ainsi donc, de même qu'il n'y aurait pas de temps, si l'instant n'était pas autre, et qu'il fût un seul et même instant, de même aussi quand on ne s'aperçoit pas qu'il est autre, il semble que tout l'intervalle n'est plus du temps. Mais si nous supprimons ainsi le temps, lorsque nous ne discernons aucun changement et que notre âme semble demeurer dans un instant un et indivisible, et si, au contraire, lorsque nous sentons et discernons le changement, nous affirmons qu'il y a du temps d'écoulé, il est évident que le temps n'existe pour nous qu'à la condition du mouvement [219a] et du changement. Ainsi, il est incontestable également, et que le temps n'est pas le mouvement, et que sans le mouvement le temps n'est pas possible…
. Mais, du moment qu'il y a antériorité [219b] et postériorité, nous affirmons qu'il y a du temps. § 7. En effet, voici bien ce qu'est le temps : le nombre du mouvement par rapport à l'antérieur et au postérieur. § 8. Ainsi donc, le temps n'est le mouvement qu'en tant que le mouvement est susceptible d'être évalué numériquement. Et la preuve, c'est que c'est par le
nombre que nous jugeons du plus et du moins, et que c'est par le temps que nous jugeons que le mouvement est plus grand ou plus petit. Donc, le temps est une sorte de nombre.

Aristote, Physique, Livre IV

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