« Il y a une grande différence entre
l’esprit et le corps, en ce que le corps, de sa nature, est toujours
divisible, et que l’esprit est entièrement indivisible. Car en effet,
lorsque je considère mon esprit, c’est-à-dire moi-même en tant que je
suis seulement une chose qui pense, je n’y puis distinguer aucunes
parties, mais je me conçois comme une chose seule et entière.
Et
quoique tout l’esprit semble être uni à tout le corps, toutefois, un
pied, ou un bras, ou quelque autre partie étant séparée de mon corps, il
est certain que pour cela il n’y aura rien de retranché de mon esprit.
Et
les facultés de vouloir, de sentir, de concevoir, etc. ne peuvent pas
proprement être dites ses parties : car le même esprit s’emploie tout
entier à vouloir, et aussi tout entier à sentir, à concevoir, etc.
Mais
c’est tout le contraire dans les choses corporelles et étendues : car
il n’y en a pas une que je ne mette aisément en pièces par ma pensée,
que mon esprit ne divise fort facilement en plusieurs parties et par
conséquent que je ne connaisse être divisible.
Ce qui suffirait
pour m’enseigner que l’esprit ou l’âme de l’homme est entièrement
différente du corps, si je ne l’avais déjà d’ailleurs assez appris. »
Descartes, 6ème méditation métaphysique
" La nature m'enseigne aussi par ces sentiments de douleur, de faim,
de soif, etc., que je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi
qu'un pilote en son navire, mais, outre cela, que je lui suis conjoint
très étroitement et tellement confondu et mêlé, que je compose comme un
seul tout avec lui. Car, si cela n'était lorsque mon corps est blessé,
je ne sentirais pas pour cela de la douleur, moi qui ne suis qu'une
chose qui pense, mais j'apercevrais cette blessure par le seul
entendement, comme un pilote aperçoit par la vue si quelque chose se
rompt dans son vaisseau ; et lorsque mon corps a besoin de boire ou de
manger, je connaîtrais simplement cela même, sans en être averti par des
sentiments confus de faim et de soif. Car en effet tous ces sentiments
de faim, de soif, de douleur, etc., ne sont autre chose que de certaines
façons confuses de penser, qui proviennent et dépendent de l'union et
comme du mélange de l'esprit avec le corps.
Descartes, Méditations métaphysiques (6).
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