Le corps propre est dans le monde comme le cœur dans l'organisme : il
maintient continuellement en vie le spectacle visible, il l'anime et le
nourrit intérieurement, il forme avec lui un système.
Quand je
me promène dans mon appartement, les différents aspects sous lesquels il
s'offre à moi, ne sauraient m'apparaître comme les profils d'une même
chose si je ne savais pas que chacun d'entre eux représente
l'appartement vu d'ici ou vu de là, si je n'avais conscience de mon
propre mouvement, et de mon corps comme identique à travers les phases
du mouvement.
Je peux évidemment survoler en pensée
l'appartement, l'imaginer ou en dessiner le plan sur le papier, mais
même alors je ne saurais saisir l'unité de l'objet sans la médiation de
l'expérience corporelle, car ce que j'appelle un plan n'est qu'une
perspective plus ample : c'est l'appartement "vu d'en haut", et si je
peux résumer en lui toutes les perspectives coutumières, c'est à
condition de savoir qu'un même sujet incarné peut voir tour à tour de
différentes positions.
M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, 1945
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