« Les sciences de l'esprit (Geisteswissenschaften) ont le droit de
déterminer elles-mêmes leur méthode en fonction de leur objet. Les
sciences doivent partir des concepts les plus universels de la
méthodologie, essayer de les appliquer à leurs objets particuliers et
arriver ainsi à se constituer dans leur domaine propre des méthodes et
des principes plus précis, tout comme ce fut le cas pour les sciences de
la nature. Ce n'est pas en transportant dans notre domaine les méthodes
trouvées par les grands savants que nous nous montrons leurs vrais
disciples, mais en adaptant notre recherche à la nature de ses objets et
en nous comportant ainsi envers notre science comme eux envers la
leur.(…) Les sciences de l'esprit se distinguent tout d'abord des
sciences de la nature en ce que celles-ci ont pour objet des faits qui
se présentent à la conscience comme des phénomènes donnés isolément de
l'extérieur, tandis qu'ils se présentent à nous-mêmes de l'intérieur
comme une réalité et un ensemble vivant originairement. Il en résulte
qu'il n'existe d'ensemble cohérent de la nature dans les sciences
physiques et naturelles que grâce à des raisonnements qui complètent les
données de l'expérience au moyen d'une combinaison d'hypothèses ; dans
les sciences de l'esprit, par contre, l'ensemble de la vie psychique
constitue partout une donnée primitive et fondamentale. Nous expliquons
la nature, nous comprenons la vie psychique. Car les opérations
d'acquisition, les différentes façons dont les fonctions, ces éléments
particuliers de la vie mentale, se combinent en un tout, nous sont
données aussi par l'expérience interne. L'ensemble vécu est ici la chose
primitive, la distinction des parties qui le composent ne vient qu'en
second lieu. Il s'ensuit que les méthodes au moyen desquelles nous
étudions la vie mentale, l'histoire et la société sont très différentes
de celles qui ont conduit à la connaissance de la nature. »
Dilthey, Idées descriptives
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